Une petite guerre parfaite
Lecture Osiris
Elvira Dones est née et a grandi en Albanie qu’elle a quitté en 1988 pour la Suisse. Elle a écrit plusieurs romans et en 1999, six mois après la fin du conflit au Kosovo, elle part pour Tirana puis dans tout le Kosovo où elle recueille les témoignages de ceux qui ont subi et vécu la guerre. Elle écrira ce roman à partir des récits de ces témoins. Le livre retrace l’histoire des membres de deux « fis » (communauté familiale étendue): famille Jashari et Kelmendi composées d’adultes, d’enfants, de personnes de tous âges. Au sein de la famille Jashari, seul Arlind vit en Suisse. Tous les autres vivent au Kosovo Il y a un médecin, des professeurs, des femmes qui travaillent ou sont au foyer…
On suivra donc chacun à travers les « choix » qu’il fera sous la contrainte de cette guerre : rester dans une ville assiégée (Pristina) qui subit les assauts des milices Serbes, partir sur les routes afin de tenter de gagner un lieu sécurisé, attendre à l’étranger loin des siens dans une perpétuelle angoisse qui augmente chaque jour en raison de l’impuissance pour aider la famille. Elvira Dones nous rappelle brièvement l’histoire de ce peuple que nous avons totalement oublié et dont le leader, Ibrahim Rugova, adepte de la non violence avait organisé une révolte pacifique qui a duré plusieurs années et crée un état parallèle : école, médecine à domicile… »une opposition silencieuse et une esthétique de la paix » (page 64).
On vit le parcours de chacun, qu’il soit quasiment immobile, sur les routes comme le groupe qui a tenté de fuir ou dans l’attente comme Arlind en Suisse qui cherche de manière désespérée des nouvelles de sa famille et à demandé à des journalistes de l’aider. On assiste à la lente agonie des habitants de Pristina qui, sous le joug de milices serbes meurent de faim, subissent des exactions d’une incroyable cruauté, des massacres, se terrent, meurent. On s’interroge sur ces milices qui, dans les villes et sur les routes, ne se contentent pas de piller mais sont comme une meute d’animaux sauvages qui déchirent leurs proies et ont pour but d’effrayer encore plus, si c’est possible, les habitants qui se terrent. Ils laissent partout leurs » messages » macabres. Les bombardements de l’OTAN les rendent encore plus dangereux, sans scrupule ni pitié. A un seul moment, un soldat fait preuve d’humanité mais on voit que les militaires serbes sont totalement dépassés par ces milices quand eux même ne sont pas tombés dans les mêmes travers. On assiste finalement à la tragédie de ces familles, de ces enfants que rien n’a préparé à une telle cruauté. Le souhait de chacun est que les bombes les tuent rapidement et proprement plutôt qu’à petit feu et de manière sordide. Seules quelques personnes survivront.
Le livre nous montre l’impossible choix dans ces situations de conflit: rester, partir, impossibilité de revenir pour essayer de sauver ses proches. Au delà de ces témoignages qui démontrent une nouvelle fois combien l’homme est capable du pire, on se pose bien sûr en filigrane la question des survivants: comment pourront-ils continuer jour après jour à simplement vivre avec ces images, avec ce poids, avec la culpabilité d’avoir survécu quand les autres, même ceux qui vous ont été « confiés » sont morts. Et c’est là que commence le travail de l’accueil de la parole que fait Osiris.
Les ouvrages et documents peuvent être consultables sur place, notamment lors des formations. Pour toute demande d’informations sur cette référence, merci de nous contacter à ressources@centreosiris.org.