Mémoires de guerre 26 juin 1917-10 janvier 1919
Lecture Osiris
Cet ouvrage posthume reprend le journal de Wilfred R. Bion alors que celui-ci servait dans les chars d’assaut durant la Première Guerre mondiale, en France. Ce texte est suivi de deux essais écrits 50 ans plus tard, « Commentaires » (1972) et « Amiens » (1960), ce dernier inachevé, Bion commençant alors l’écriture de Aux sources de l’Expérience (!) suivi de quatre autres ouvrages publiés avant 1970.
Le journal. A l’origine, le premier récit était réuni sous forme de trois cahiers que Bion écrivit, une fois démobilisé au Queen’s College (Oxford) pour ses parents, en compensation de ne pas leur avoir écrit durant la guerre.
Le capitaine Bion rapporte dix huit mois de guerre sur le sol français entre juin 1917 et janvier 1919. Son style, il est alors âgé de 22 ans est simple et direct. Il est soucieux de restituer dans le détail les conditions de cette guerre absurde et l’état d’esprit des soldats : « C’est une chose de parler sur un plan théorique de ne pas juger son prochain – c’en est une autre de mettre ses principes en pratique quand sa vie et celle des autres dépendent d’un faible et d’un lâche. Après tout son sang froid avait été brisé par la guerre et il souffrit comme bien d’autres avaient souffert avant lui. Cela pouvait ne pas être sa faute, mais à l’époque on ne se souciait guère de telles ʺ″broutillesʺ″ (p. 201). » Il illustre son texte de ses propres dessins, cartes et croquis ainsi que de photographies de terrain : tanks, paysages dévastés, soldats au front…
Il y est question de bravoure, de lâcheté, de rivalité, de différences sociales, de peur, d’angoisses, d’attente et d’incertitudes mortifères, d’épuisement aussi : « nous étions tous vraiment exténués – à tel point que quand les chars s’arrêtaient pour une raison quelconque et qu’on s’appuyait contre eux, on s’endormait dans les deux minutes. » Bion tout en évoquant le danger de mort et de blessures auxquels les combattants étaient exposés décrits des situations très éprouvantes pour lui.
Il évoque un cauchemar (p.105) qui provoque une très forte angoisse : « cela peut vous sembler impensable. Mais il ne reste pas moins que la vie était devenue telle que d’horribles mutilations ou même la mort ne semblait pas pire. Je me surpris à être tué car au moins alors je serai débarrassé de cette intolérable détresse». Plus loin (p.135) sa présence à côté d’un soldat dont une partie du thorax a été arraché par un éclat d’obus : « c’était un tout jeune homme et il était terrifié car il ne se rendait pas tout à fait compte de ce qui lui était arrivé. Il essayait de voir ce qu’il avait, mais je l’en empêchais ».
Commentaires
Commentaires le second texte de cette ouvrage Bion nous donne « sous forme de conversation entre le Bion d’alors et quelques cinquante ans plus tard le psychanalyste qu’il est devenu, le point de vue de la maturité sur l’attitude de ses jeunes années durant la période où il était pris dans la guerre et influencé par la perspective de l’époque ».
Amiens
Enfin dans le dernier texte, Amiens, Bion dans un puissant travail de remémoration, ses souvenirs ravivés par une visite cinquante ans après (1958) sur les champs de bataille d’alors, évoque la percée des blindés et la fin de la guerre.
Après la lecture de ces trois textes, nul doute que cette expérience prématurée de la guerre restera un temps marquant pour Bion et qu’il aura une influence sur sa vie à venir et ses travaux. Sa veuve, Francesca Bion écrit par exemple (p.15) : « Le cauchemar auquel il fait allusion continua de l’importuner toute sa vie. Il vieillit et se souvient » et sa fille Parthénopé dans sa postface : « Bien que les commentaires de Bion sur la guerre, sur l’agressivité, le courage et la lâcheté soient disséminés un peu au hasard dans ses écrits, et qu’après les Recherches sur les Petits Groupes il ne se soit jamais essayé à aborder ces problèmes d’une manière systématique, il continua d’acquérir des ouvrages sur l’art de la guerre, l’histoire de la guerre, les mémoires de partisans etc., et ce jusqu’à sa mort, comme si le sujet n’était jamais loin de son esprit, représentant peut-être, dans ses aspects sociaux et individuels, une importante et insoluble énigme. »
Un livre qui nous donne envie de nous plonger dans The Long Week-end 1897-1919: Part of a Life (1982) l’autobiographie de Wilfred R. Bion, malheureusement non traduit… reste à lire ou à relire ses textes psychanalytiques.
Les ouvrages et documents peuvent être consultables sur place, notamment lors des formations. Pour toute demande d’informations sur cette référence, merci de nous contacter à ressources@centreosiris.org.