L’oiseau bariolé
Lecture Osiris
Le roman de Jerzy Kosinski, écrivain juif polonais, né à Varsovie en 1933, réfugié aux Etats-Unis en 1957, a été publié en 1965 puis traduit en français en 1966. L’Oiseau bariolé l’a rendu mondialement célèbre. Pour le meilleur et pour le pire …
Pendant la seconde guerre mondiale dans un pays d’Europe centrale, un petit garçon de six ans est envoyé à la campagne par ses parents qui croient le protéger. Deux mois après son arrivée, la paysanne qui l’avait pris en garde meurt. Alors l’enfant est livré à lui-même et erre de village en village. Durant quatre années, cet enfant aux cheveux noirs quand les autres sont blonds, est rejeté et persécuté par les habitants d’un monde fruste, fermé, à l’écart de la civilisation, dans un pays dont l’occupation par les Allemands ne fait qu’accroître la misère et la sauvagerie.
Ce roman extrêmement violent a été l’objet de nombreuses attaques. Elles ont poussé Jerzy Kosinski à écrire une préface dix ans après sa parution (1976).
La première controverse portait sur le supposé caractère autobiographique du livre. Kosinski s’en défend : » ils voulaient m’attribuer le rôle de porte-parole de ma génération et surtout de ceux qui avaient survécu à la guerre ; mais pour moi la survie était une action individuelle qui donnait au survivant le droit de ne parler qu’en son nom propre » .
Influencé par la pièce d’Aristophane, « Les Oiseaux » Kosinski inscrit son roman » dans le domaine mythique, dans le présent fictif, hors du temps libéré des contraintes de l’histoire et de la géographie. »
L’Oiseau bariolé fait référence à » une vielle coutume paysanne que l’auteur a vu pratiquer pendant son enfance. L’une des distractions préférées des villageois était de prendre des oiseaux au piège, de peindre leurs plumes puis de les relâcher pour qu’ils aillent rejoindre leurs congénères. Comme ces créatures aux couleurs vives cherchaient la protection de leurs compagnons, les autres oiseaux, voyant en eux des étrangers menaçants, attaquaient et mettaient en pièce ces parias jusqu’à ce que mort s’ensuive. »
Le roman se distingue de l’autobiographie en ce qu’il évite la comparaison et permet au lecteur une plus grande implication : » il entre réellement dans un rôle de roman, le développant en fonction de sa propre expérience, de ses propres pouvoirs de création et d’imagination « .
En Europe de l’Est – nous sommes dans les années 70 – de nombreux journaux et revues discréditent L’Oiseau bariolé et son auteur accusant ce dernier d’être subventionné par le gouvernement des Etats-Unis, reprochant au livre d’être sa valeur documentaire diffamant la vie de communautés identifiables durant la Seconde Guerre mondiale.
Des écrivains reconnus dans leur pays – la Pologne – furent contraints de critiquer l’Oiseau bariolé, en arguant par exemple, de la trahison d’un écrivain qui écrit directement en anglais et non dans sa langue maternelle.
La mère de l’auteur elle-même restée en Pologne, « seul membre de ma famille encore en vie », persécutée, qualifiée de mère de renégat, fut contrainte de déménager abandonnant sa ville et ses biens…
En occident la critique ciblait plutôt l’excès de cruauté des expériences vécues par un enfant de six ans. D’autres » soutinrent qu’il s’agissait d’un livre de souvenirs personnels et que n’importe qui disposants des matériaux d’une époque effroyable pouvait confectionner une intrigue débordant de brutalité « .
En fait, écrit Kosinski » les critiques, ou bien ne connaissent pas les récits personnels des survivants et les documents officiels sur la guerre, ou bien les considéraient comme étrangers au sujet. Aucun ne sembla avoir pris le temps de lire des témoignages facilement accessibles. »
» En 1938, quelque soixante membres de ma famille assistèrent à la dernière de nos réunions annuelles. […] Parmi eux, seulement trois personnes survécurent à la mort « . […] Ce fut donc en très grande partie pour eux et pour des gens comme eux que je voulus écrire un roman qui reflèterait, et peut-être exorciserait, les atrocités qui leur avaient paru à tel point inexprimables. »
Dans les années soixante, les débats sur la Shoah – à l’époque on parlait de l’Holocauste – et la littérature consacrée aux massacres de la Seconde Guerre Mondiale sont encore rares.
Kosinski rend hommage à son père, philologue de formation. Celui-ci encouragea son fils à écrire en anglais en lui envoyant une série de lettres minutieusement détaillées, précisant de la façon la plus rigoureuse les subtilités de la grammaire et de la langue. » Il y avait probablement peu de choses que la vie ne m’eut déjà enseigné, affirmait mon père, et il n’avait aucune lumière nouvelle à transmettre à son fils. »
Maintenant, quand je relis ses lettres, je me rends compte de l ‘étendue de sa sagesse : il voulait me léguer une voix qui pourrait me guider dans un pays nouveau. Cet héritage, espérait-il sans doute, devait me libérer afin que je puisse participer pleinement à la vie du pays que j’avais choisi pour y construire mon avenir. »
Jerzy Kosinski a été retrouvé suicidé dans son appartement new-yorkais en 1991.
Qui se souvient de lui ?
Les ouvrages et documents peuvent être consultables sur place, notamment lors des formations. Pour toute demande d’informations sur cette référence, merci de nous contacter à ressources@centreosiris.org.