L’Évangile du bourreau
Lecture Osiris
« Un roman policier puissant et sombre sur la fin du règne de Staline, une description sidérante du système répressif soviétique sous Staline. Un ancien membre des sections spéciales du KGB tranquillement installé est rattrapé par son passé.
Ci-dessous ce qu’en dit Claude Lanzmann, le réalisateur de Shoah, dans le cadre d’une interview parue dans le journal Le Monde du 22 mai 2009.
Quel est, pour vous, le roman qui exprime le mieux la violence ?
C. L. : « J’ai lu il n’y a pas très longtemps, L’Evangile du bourreau, un roman policier extraordinaire, de deux écrivains russes, les frères Arkadi et Gueorgui Vaïner (Gallimard, 2000). C’est un livre qui porte sur le complot dit « des blouses blanches », qui a eu lieu en URSS au début des années 1950.
Le premier chapitre s’ouvre sur la mort de Staline. Le héros est un homme de main, qui doit emmener le corps de Staline à la morgue pour l’embaumement. S’il a été choisi, pour cette mission, c’est à cause de ses capacités : il peut tuer dix hommes en une minute. A partir de là commence une description hurlante de vérité de la manière dont agissent les sections spéciales du KGB, dans les dernières années du règne de Staline. Ils commettaient leurs crimes de nuit, au premier étage d’un bâtiment de la Loubianka : le long d’un immense couloir, il y avait des portes, derrière lesquelles on torturait de vieux savants, des grands professeurs de médecine juifs dont Staline voulait se débarrasser. On les laissait debout des heures, puis on les asseyait sur un tabouret et on les frappait, on les insultait. La sentence était rendue à l’avance, aucun n’échappait à la mort. Je n’ai rien lu d’aussi fort, sauf L’Aveu, d’Arthur London, sur le procès Slanski, à Prague. En dehors des faits rapportés, qu’est-ce qui la fait violence du roman des frères Vaïner ?
C.L. : Le style très fort, très singulier, qui entre dans les détails de la terreur (par exemple, ils décrivent les pendaisons, ou bien les détails physiques des interrogatoires), mais pas seulement : les auteurs rendent aussi compte des délires des bourreaux, qui boivent comme des trous et corrigent leurs soûleries à la vodka par encore plus de vodka. Il y a encore la description des lieux, ce premier étage de la Loubianka qu’on appelait « la boutique ». Tout cela provoque un mélange d’horreur et de fascination. Je ne pouvais pas m’arrêter de lire, chaque soir, ce gros livre de 800 pages. »
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