Les Oiseaux morts de l’Amérique
Lecture Osiris
Hoyt Stapleton est peu loquace, s’exprimant par des mimiques et des sons à peine articulés. Il s’est installé avec deux autres hommes dans les canalisations de Las Vegas, à distance du centre ville, le Strip. Avec ses compagnons il mène une existence misérable quelque peu ritualisée, il partage aussi un passé de vétéran, lui a combattu au Vietnam, les autres en Irak. Ils sont septuagénaires. Hoyt se plonge parfois dans le futur et voit un monde peu vivable, il se retourne aussi vers son passé. Il y voit un enfant, lui, âgé de 7 ou 8 ans, qui n’a pas connu son père. Il a vécu avec sa mère dont il a observé les allées et venues, ses habits selon ses humeurs : séduisante ou s’occupant sagement de son logis. Il y a aussi une petite fille, Maureen, dont il est amoureux, un petit chien qui mourra écrasé par une Oldsmobile. On rencontre aussi un homme, jeune, Tony, qui a tenu la mère de Hoyt dans ses bras ; il sera tué pendant la guerre de Corée. Mais tous ces souvenirs manquent de précision, Hoyt confond les noms de famille, les lieux où il a pu croiser les personnages de son passé, il croit apercevoir un jour une femme rousse, comme l’était son amie d’enfance, dans une voiture verte des années 1970, Hoyt retrouve cette voiture sur le parking d’un motel, il questionne le gardien : comment se nomme la femme qui était dans cette voiture ? Maureen, Hoyt est ému, mais très vite il comprend qu’il ne s’agit pas de la Maureen de son enfance.
Puis un souvenir se précise, il le ramène à la période de la guerre du Vietnam quand il défendait la colline 937, il se trouve au contact d’un soldat Viêt-Cong qui venait de l’assaillir, puis la scène se déroule très rapidement, le corps à corps avec ce soldat qui le blesse au flanc, l’intervention d’un marine, Tony qui s’écroule touché par un tir. Cette scène traumatique va peser sur son psychisme, sur sa vie. La vie de Hoyt ne sera plus ensuite embrumée par ses souvenirs erratiques, Christian Garcin comme il l’a fait durant le roman laisse la parole à T.S Eliot, (tiré de La terre vaine) :
« Et je te montrerai quelque chose qui n’est
Ni ton ombre au matin marchant derrière toi,
Ni ton ombre le soir surgie à ta rencontre ;
Je te montrerai ton effroi dans une poignée de poussière. »
Christian Garcin n’a pas écrit ce roman pour illustrer ce que peut être la mémoire traumatique mais il contribue, avec ce roman, à faire voir et entendre combien un homme exposé aux plus grandes violences peut perdre contact avec ce qu’il a été. Et, naturellement, ce roman prend place dans une actualité qui pèse de plus en plus douloureusement sur ceux qui cherchent tout simplement un asile pour leur permettre de reprendre pied dans l’existence, parmi ses « semblables ».
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