La renonciation à l’identité : défense contre l’anéantissement
Lecture Osiris
Dans ce texte, à l’origine une conférence donnée en 1964 à l’EHESS Georges Devereux pose le problème de la perte d’identité. Sa thèse centrale est que « la renonciation à l’identité ou le déguisement de l’identité sont les défenses de choix contre l’anéantissement, le fantasme étant que la possession d’une identité est une véritable outrecuidance qui automatiquement, incite les autres à anéantir non seulement cette identité mais l’existence même du présomptueux en général par un acte de cannibalisme – ce qui transforme le sujet en objet. Pour Georges Devereux ces deux manoeuvres constituent la base de la situation psychanalytique, la base de toute résistance puisque le but des résistances est d’empêcher la découverte de la véritable identité du patient. Devereux en trouve la meilleure preuve dans la mythologie grecque. La valeur défensive du déguisement il la trouve dans le mythe de Protée. Protée est une divinité marine, mentionnée en particulier par Homère dans l’Odyssée comme « Vieillard de la Mer » et gardien des troupeaux de phoques de Poséidon. Il est doté du don de prophétie et du pouvoir de se métamorphoser.
La valeur défensive de la renonciation à l’identité, nous est fournie par l’Odyssée lorsqu’Ulysse échappe au cyclope cannibale Polyphème qui eut la prudence de se faire appeler Personne.
Le but de toute résistance est d’empêcher le psychanalyste de connaître et de définir l’identité du patient et de la fixer. En effet, dès que le psychanalyste comprend, le patient se sent vulnérable : le psychanalyste sait qu’il est homme ? Il le châtrera. Sait-il que le patient est femme ? Il la violera. Sait-il qu’il est vivant ? Il le tuera.
Par surcroît, le patient comprend fort bien que la compréhension du psychanalyste est « contagieuse ». Dès qu’il comprend le patient, il le forcera à se comprendre, et aussi à comprendre le monde. Ainsi la résistance est la suprême manifestation de la névrose ou de la psychose.
Devereux distingue l’existence, de l’identité et de l’individualité. L’individualité est l’aspect fonctionnel de l’identité. L’individualité présuppose identité et les deux l’existence. Les troubles de l’identité se retrouvent dans toutes les manifestations de la psychopathologie, quoique à des degrés divers. La question de l’identité est indissociable de celle de la normalité et Devereux nous rappelle que :
– La normalité représente une différenciation par enrichissement.
– L’anormalité une dédifférenciation par appauvrissement.
– Un névrotique eskimo ressemble plus à un névrotique congolais qu’à un eskimo normal.
La coutume religieuse régularise le comportement de deux façons dont les paradigmes sont le serment et la loi. La loi c’est le nomos qui signifie essentiellement un ordre positif d’agir d’une certaine façon, il ne signifie pas qu’il ne faut pas faire telle ou telle chose. Les hommes cherchent à contrôler leurs semblables par le horkos (Horkos en grec signifie palissade, enclos) plutôt que par le nomos.
Enfin à partir de nombreux exemples cliniques G. Devereux montre comment « Identité » et « intégration » se situent à deux niveaux : dans l’espace et dans le temps.
Ainsi la thèse de Georges Devereux nous permet de mieux comprendre ce qui est en jeu dans les processus de déshumanisation.
– Un névrosé est toujours inadapté. Un inadapté peut fort bien ne pas être un névrosé.
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