Ali Mekki, directeur du CADA France Terre d’Asile de Toulon.
Le dispositif d’accompagnement psychologique de France Terre d’Asile à Toulon, destiné aux demandeurs d’asile et réfugiés, vise à mutualiser ses services avec d’autres structures similaires et dans différents territoires. Cette mutualisation permet une approche collective, favorise la mobilisation des compétences, mais nécessite une gestion du consensus pour maintenir l’efficacité et l’adaptabilité du dispositif, selon Ali Mekki, directeur du CADA France Terre d’Asile de Toulon.
Les perspectives d’évolution du dispositif d’accompagnement psychologique proposé par France Terre d’Asile à Toulon.
La demande de la DDTESPP de « départementaliser » l’action d’accompagnement psychologique des demandeurs d’asile et des réfugiés va nous obliger à travailler dans trois directions.
Asseoir une bonne cohérence du dispositif en réussissant la mutualisation pour tenter d’exporter l’action vers d’autres structures similaires et dans d’autres territoires.
Au sein du Cada de FTDA, le bilan est globalement positif car il renvoie directement aux effets positifs auprès des usagers qui expriment leurs difficultés, mais aussi au sein de l’équipe qui, partie prenante du projet initial sent positivement les relations avec leurs usagers se pacifier.
L’ouverture du projet aux différentes structures hébergeant des demandeurs d’asile et des réfugiés comporte une approche intéressante de la mutualisation où, au-delà du partage d’un service au public particulier des demandeurs d’asile et des réfugiés, se dessine une intelligence collective qui aboutit à une mobilisation effective des compétences.
L’apprentissage collectif de cette mutualisation, où le partage du travail, la répartition des rôles, l’information des usagers, ne s’inscrivent pas dans une relation hiérarchique, rendra cependant nécessaire l’animation du consensus, du moins de la vision partagée qui sont à la base de la dynamique d’adhésion au projet.
Pour durer, il faut trouver l’équilibre permettant à la fois de maintenir l’efficacité du dispositif de coopération et de renouveler la dynamique qui a présidé à sa création, dans une incessante recherche d’adaptation au contexte. Car à tout moment, la collaboration risque d’être altérée par des comportements de cavalier seul ou concurrentiels ou par l’affaiblissement des valeurs communes. Ingrédient indispensable, la confiance ne peut émerger entre les contributeurs que si on prend le temps de se connaître, de construire une connaissance mutuelle. Je dirai presque par nature une organisation mutualisée est instable, ne serait-ce que parce que chacun évolue dans sa propre structure. Notre vision globale, panoramique et synthétique que permet le service mutualisé doit s’articuler avec le terrain de chacun.
Et dans d’autres territoires
Le territoire de Gap dans les Hautes Alpes, où de manière récente FTDA qui gère un Cada, un Huda et un CPH tente de mutualiser un accompagnement psychologique des demandeurs d’asile et des réfugiés, malgré la carence de psychologues et de psychiatres. Les débuts, s’ils restent timides sont prometteurs du fait que les demandeurs d’asile et les équipes qui s’en occupent sont partie prenante de ce type de projet. Si les institutions de tutelle, en tous cas les individus qui les représentent sont conscients de la nécessité de ne pas distinguer, demandeurs d’asile et réfugiés, dans l’accès à l’accompagnement et aux soins, les textes viennent contrarier nos démarches en ne permettant pas toujours aux demandeurs d’asile d’accéder ni à l’accompagnement ni aux soins.
Associer l’interprète pour qu’il devienne un acteur dans la relation thérapeutique
Nous avons appris en portant cette action et en échangeant avec nos partenaires que l’enjeu de l’interprétariat ne consistait pas en la simple traduction de mots. Une langue draine une culture entière que l’interprète fait partager. A travers la traduction l’interprète peut permettre d’avoir accès aux représentations culturelles du patient (demandeur d’asile ou réfugié). L’univers référentiel de ce dernier va ainsi être accessible au thérapeute. L’interprète devient ainsi un acteur dans la construction d’un univers cognitif commun, en tous cas partagé par le patient, le clinicien et l’interprète. Rien n’est pire qu’un interprétariat où l’on ne tente que de traduire des mots. L’enjeu à venir est de disposer d’un réseau d’interprètes compétents en matière de tierce personne dans la relation thérapeutique (comme celui d’Osiris par exemple).